Il Cinquecento a Firenze : exposition à Florence, Palazzo Strozzi

Difficile de parler d'une exposition qui inspire autant de sentiments contrastés, du ravissement à la frustration. Disons le d'abord simplement : Il Cinquecento a Firenze "maniera moderna" e Controriforma mérite au moins un passage pour méditer sur ses réussites comme ses limites. Pour mieux comprendre la manifestation du Palazzo Strozzi, il faut avoir à l'esprit que ses commissaires Carlo Falciani et Antonio Natali l'envisagent comme le dernier volet d'un grand triptyque sur l'art florentin du XVIe siècle, précédé par Bronzino Pittore e poeta alla corte dei Medici en 2010-2011 et Pontormo e Rosso Fiorentino Divergente via della maniera en 2014. Aux monographies saluées sur trois des plus grands artistes de la Renaissance succède une vision plus thématique et chronologique, clin d’œil à la Mostra del Cinquecento toscano qui inaugura en 1940 le Palazzo Strozzi comme lieu d'exposition.


Alessandro Allori (1535-1607), Miracles de saint Fiacre, vers 1596, huile sur toile, 404,5x293,5 cm, Florence, San Spirito

Si l'on ne doit pas passer sous silence les lacunes patentes de ce Cinquecento a Firenze, il faut aussi et d'abord en pointer les mérites, loin d'être mineurs. Mieux : l'exposition se montre utile, aussi bien pour le néophyte que le connaisseur. Elle présente un bilan remarquable de nombreuses restaurations, qui donnent une meilleure visibilité à des chefs-d’œuvre que l'on redécouvre. La nouveauté vient aussi de la proportion de tableaux méconnus, issus notamment de collections privées ou d'églises peu accessibles, confrontés à quelques pièces plus attendues. L'insistance explicite des commissaires_ qui n'est pas sans poser question, comme on le verra plus loin_ sur la seconde moitié du XVIe siècle doit être vraiment saluée. L'époque, souvent galvaudée comme celle d'un maniérisme essoufflé, n'est pourtant pas avare de grands artistes à peine moins talentueux que ceux des premières décennies du Cinquecento, ainsi Alessandro Allori, Santi di Tito ou encore Giambologna présents avec des œuvres révélatrices. L'ensemble bénéficie d'une scénographie soignée, qui sait donner toute leur ampleur aux sculptures et tableaux monumentaux comme valoriser les objets d'une moindre échelle. Spectaculaire mais pertinent, en somme.


Michelangelo Buonnaroti dit Michel-Ange (1475-1564), Dieu fleuve, vers 1526-1527, argile, terre, sable, fibres végétales et animales, caséine, sur âme en fil de fer (interventions successives : plâtre, réseau en fer), 65x140x70 cm, Florence, Accademia delle Arti del Disegno (en dépôt au Museo di Casa Buonarroti)

Les années avant 1550 font l'objet d'un choix d’œuvres aussi resserré que splendide. Les deux pièces d'introduction donnent le ton, par leur extraordinaire qualité comme leur influence formelle : le Dieu fleuve musculeux et antiquisant de Michel-Ange, enfin débarrassé de sombres repeints, est surplombé par une Déploration sur le Christ mort d'Andrea del Sarto tout en équilibre raffiné, dont la palette adopte déjà les teintes froides et acides si prisées par ses élèves. Il est vrai que les maîtres toscans du Cinquecento balanceront toujours entre un maniérisme audacieux et un classicisme confinant parfois à l'abstraction. Trois titans sont convoqués autour du thème de La Déposition de croix, dans une réunion inédite_ guère amenée à se reproduire_ et efficace. Le grand panneau de Rosso à Volterra, signé et daté 1521, semble revenir à un goût gothique dans l'écriture anguleuse de ses figures aux physionomies schématiques, d'un effet étonnamment anachronique. Restaurée avec grand soin, l’œuvre iconique de Pontormo a exceptionnellement quitté sa chapelle Capponi à Santa Felicità. L'on redécouvre ainsi l'un des plus beaux tableaux de la Renaissance italienne, où tout semble irréel, l'espace, la couleur, le sentiment. Une apothéose de l'artifice pourtant très personnelle, et en même temps d'une modernité intemporelle. Sur cet important chantier religieux, Pontormo s'était adjoint les services du jeune Bronzino, sans doute son seul disciple et en tout cas immensément doué. Besançon a l'insigne honneur de conserver l'un des chefs-d’œuvre de la maturité du peintre depuis 1545, date de son envoi par Cosme Ier à Nicolas Perrenot de Granvelle, secrétaire particulier de Charles Quint. Cette Déposition, rapidement remplacée dans la chapelle d’Éléonore de Tolède au Palazzo Vecchio, appartient désormais à un autre âge esthétique. Celui de la cour médicéenne élevée à la dignité de grand-duché de Toscane, trouvant en Bronzino le meilleur interprète de ses exigences élitistes. L’œuvre bisontine se ressent pleinement de cette sophistication ambitieuse, où la perfection suave des anatomies ciselées est rehaussée par la beauté froide des lumières. Le jeune Vasari, qui n'est pas encore le fameux biographe des maîtres de la Renaissance, achève en 1541 son premier retable pour une église florentine. L'Immaculée Conception des Santi Apostoli e Biagio traduit par l'image un dogme soutenu par une frange du catholicisme mais reconnu par l’Église seulement au XIXe siècle. Voilà Adam et Eve enchaînés à l'arbre de vie, entouré des ancêtres du Christ, autour duquel s'enroule le serpent tentateur, la face écrasée par la Vierge. La composition s'avère compliquée et guère évidente à saisir à première vue, comme peut l'être le concept d'une naissance de Marie sans péché.



Jacopo Carucci dit Pontormo (1494-1557), La Déposition, 1525-1528, tempera sur panneau, 313x192 cm, Florence, Santa Felicità 

Ces recherches visuelles se chargent d'une nouvelle connotation dans la seconde moitié du XVIe siècle, ébranlée par une Contre-Réforme pleinement approuvée par les Médicis. La confrontation des immenses retables donne la pleine mesure d'une ambitieuse réflexion plastique et iconographique, la forme se mettant au service d'un message théologique. Près de trente ans après Vasari, Bronzino livre un gigantesque panneau sur le thème de L'Immaculée Conception parmi ses dernières œuvres, d'ailleurs terminée par son atelier dépourvu de ses capacités. Après la disparition de Bronzino, son brillant élève Alessandro Allori s'impose alors comme l'un des meilleurs peintres religieux à Florence. Son Christ et la femme adultère, d'ordinaire sur un autel de San Spirito, se déploie dans un espace encore artificiel dans ses ruptures et son échelle, sans s'interdire une certaine retenue dans la gestuelle et l'expression des protagonistes du Nouveau Testament ni de multiples détails délicats dans les habits de la pécheresse craintive. Dans ces mêmes années 1570 émerge la personnalité de Santi di Tito, bientôt l'un des fers de lance du renouveau classique toscan. Sa Résurrection pour Santa Croce, premier retable d'une belle carrière, n'en reste pas moins soumise encore à la fascination de la maniera. Il apprécie les corps projetés dans une chorégraphie incertaine et des teintes acidulées, mais déjà aussi quelques notes naturalistes pleines d'avenir. A cette belle saison de l'art biblique contribuent aussi plusieurs Flamands établis sur les terres des Médicis, apportant leurs accents vivants et parfois exotiques. Deux peintres, nés à Bruges à une génération d'écart, collaborent chacun avec Vasari sur d'importants chantiers profanes et religieux, leur assurant une bonne place sur la scène artistique. Jan van der Straet dit Giovanni Stradano multiplie dans sa Crucifixion de la Santissima Annunziata les motifs tour à tour morbides, étranges et grotesques, intégrés à une composition bien italienne. C'est au contraire un classicisme nourri par les maîtres du début du siècle qui s'affirme dans l’œuvre de Pietro Candido, né Pieter de Witte, qui s'en ira ensuite en Bavière. Des souvenirs d'Andrea del Sarto affleurent dans sa Déploration sur le Christ mort, peinte juste avant le départ définitif à Munich, avec un style au graphisme aigu et aux coloris tranchés, où la Renaissance jette ses derniers feux. Ce classicisme stimule un autre Flamand, Giambologna, assurément le plus valeureux des sculpteurs présents à Florence avant 1600. Son délicat Crucifix offre d'intéressantes analogies, par la grâce de sa ligne et son soin anatomique, avec la peinture d'Alessandro Allori. Le bronze, qui a récemment retrouvé une jolie patine brune après nettoyage, prend place habituellement dans la chapelle funéraire que s'était aménagée Giambologna dans le chœur de la Santissima Annunziata, dont la restauration dure déjà depuis de longues années...


Pieter de Witte dit Pietro Candido (1548-1628), La Déploration sur le Christ mort, vers 1586, huile sur panneau, 298,5x183 cm, Volterra, Pinacoteca e Museo Civico

L'émerveillement suscité par ce rassemblement spectaculaire laisse la place à une relative déception avec la question du portrait. Non qu'elle soit mal traitée ou inintéressante, bien au contraire l'occasion est donnée d'être face à des artistes et des œuvres guère connues. Et de qualité plutôt inégale, hélas ! Les plus notables échappent à la typologie du portrait de cour, représenté par le François Ier de Médicis d'Alessandro Allori où les reflets étincelants surpassent un manque d'introspection psychologique. Des individus ordinairement exclus du genre font leur première apparition à Florence dans la seconde moitié du XVIe siècle. Ainsi le Portrait de Sinibaldo Gaddi le montre à six mois, peu de temps avant sa disparition ; l'attitude maladroite du nourrisson, tenant un gâteau convoité par un épagneul, contraste avec la pose élégante du page noir le soutenant. Quelques décennies avant les images inoubliables de Velázquez, les effigies de nains oscillent entre la curiosité un peu méprisante pour des "prodiges de la nature" et l'empathie sincère pour une humanité malmenée. Certes destinée à orner les jardins du Palazzo Pitti, la statue en marbre du Nain Barbino par Valerio Cioli ne néglige nullement la spécificité physique et psychologique de son modèle, au regard intense d'esprit. Si le portrait mythologique ou symbolique connaît de belles heures, le Portrait d'un jeune homme en allégorie de l'amitié de Mirabello Cavalori n'en reste pas moins singulier. Ce personnage légèrement déhanché offre son cœur avec un dévouement d'une totale sincérité. S'agirait-il d'une preuve d'affection du peintre pour son collègue Girolamo Macchietti, au-delà encore de l'amitié ?


Maso da San Friano (1531-1571), Portrait de Sinibaldo Gaddi, après 1564, huile sur panneau, 116x92 cm, collection privée

Le studiolo aménagé par François Ier de Médicis au Palazzo Vecchio représente la forme la plus aboutie de cette pièce dédiée tant à l'étude qu'à la collection, entre jouissance esthétique et spéculations ésotériques. Une partie de l'équipe de peintres réunie sur ce chantier médicéen sera par ailleurs sollicitée pour une série de six lunettes peintes au début de la décennie 1580 et rassemblées pour la première fois ; si les mains de Santi di Tito (La Fatigue), de Pietro Candido (L'Humilité), Poppi (La Justice), il Cosci (L'Honneur), Giovanni Maria Butteri (Le Temps) et Lorenzo Vaiani dello Sciorina (La Vérité) se distinguent, chaque artiste s'adapte à un dessein général dont le commanditaire reste inconnu. Les auteurs de grands retables ou de portraits s'illustrent pareillement dans des petits panneaux sur bois ou sur cuivre. Les thèmes religieux n'y sont pas rares, bien au contraire, alors que la dévotion privée se renouvèle avec la théologie catholique. Giorgio Vasari comme Alessandro Allori, traitant des thèmes de la Passion, parviennent à un effet monumental et expressif absolument remarquable à une échelle intimiste. Reprenant une scène biblique bien connue, La Création de Jacopo Zucchi doit être vue comme un commentaire hermétique sur la place de l'homme dans le monde voulu par Dieu, non sans emprunts à la pensée religieuse antique. Le studiolo, en effet, se prête plus volontiers aux sujets mythologiques, synonymes d'érudition païenne et de symbolique subtile. Les corps se dénudent volontiers dans une atmosphère d'un érotisme sophistiqué, aussi bien dans les peintures de Giovanni Battista Naldini que dans les bronzes de Giambologna. Ce dernier produit une série de petits bronzes à la ciselure très finie, aux volumes dynamiques projetés sans entrave dans l'espace. Si le Mercure du Kunsthistorisches Museum de Vienne représente l'aboutissement de longues recherches sur le mouvement de cette figure, L'Enlèvement d'une Sabine précède par contre le grand marbre de même sujet érigé dans la Loggia dei Lanzi.


Jacopo Zucchi (vers 1541-1596), La Création, 1585, huile sur cuivre, 49x39 cm, Rome, Galerie Borghèse

Quittant cet Olympe miniature, déesses et dieux des anciens investissent des œuvres de grand format demandées par les plus riches Florentins. L'exemple de Michel-Ange, devenue la gloire indiscutée de la Toscane, s'impose aux artistes mêmes les plus autonomes. Les personnifications diurnes et nocturnes des tombeaux médicéens de San Lorenzo passent du marbre à la peinture dans La Nuit de Michele di Ridolfo del Ghirlandaio, destinée à la famille Salviati, et La Fortune de Maso da San Friano. La référence michélangélesque persiste dans la Vénus et Amour d'Alessandro Allori, réinterprétation d'un carton perdu du maître dont Pontormo notamment tira un tableau. L’œuvre d'Allori, parmi ses plus importantes dans le domaine profane, se trouvait certainement dès la fin du XVIe siècle en France où elle figura dans les collections Condé puis Orléans. Tout aussi important : L’Amour défendant la Vertu contre l’Ignorance et le Préjugé, toile impressionnante de Jacopo Ligozzi longtemps perdue et récemment redécouverte, offerte par Jean-Luc Baroni aux Offices en 2014. Elle ornait à l'origine le casino de François Ier de Médicis dans les jardins de San Marco, lieu d'expérimentations alchimiques auxquelles devait faire écho cette vision de l'humanité en proie aux aléas des passions. Un langage similaire fut employé par Federico Zuccari pour sa Porta Virtutis, à l'origine d'une mésaventure assez piquante dont la toile aujourd'hui à Urbin porte le souvenir. Furieux d'avoir vu un retable destiné à Bologne refusé par le commanditaire qui le jugeait médiocre, Zuccari se vengea en affichant un grand carton satyrique intitulé Porta Virtutis sur la façade de l'église de San Luca à Rome, le jour de la fête du protecteur des artistes. L'effronterie valut un exil de près de deux ans à Zuccari, finalement gracié par le pape. La Porta Virtutis nous paraît un peu hors sujet, mais n'en demeure pas moins l'une des images les plus pittoresques de la Renaissance tardive...les jardins des villas se peuplent au XVIe siècle d'un peuple de héros et divinités dénudés, qu'il faut imaginer dans des dispositifs scénographiques complexes. C'est ainsi que le bronze terrible d'Hercule et Antée de Bartolomeo Ammannati dominait la grande fontaine de la villa de Castello, tandis que l'Adonis mourant en marbre de Vincenzo de'Rossi, langoureux dans l'agonie, prenait place à Poggio Imperiale. Giambologna, encore une fois, occupe une place de choix dans ce panorama, où s'exprime sa vision raffinée de la sensualité féminine. Autrefois à Castello, la Vénus Anadyomène rivalise avec l'antique en lui conférant plus de spontanéité, qui la transforme en Venus Fiorenza incarnant la fierté du grand-duché. Quant à la méconnue Fée Morgane, inspirée par la littérature chevaleresque prisée à la cour florentine, elle ornait une grotte de la résidence de campagne de Bernardo Vecchietti, le mécène qui permit au sculpteur de s'établir à Florence. Elle n'a rien à envier aux plus prestigieuses commandes des Médicis. La torsion pudique de ses membres s'accorde avec une douceur laiteuse toute marmoréenne.


Alessandro Allori, Vénus et Amour, vers 1575-1580, huile sur panneau, 143x226,5 cm, Montpellier, musée Fabre

Il est de nouveau question de peinture religieuse dans les deux salles de conclusion, ou plutôt d'introduction au Seicento. Entre une Sainte Conversation de Gregorio Pagani et une Annonciation d'Andrea Boscoli trône un impressionnant retable tardif d'Alessandro Allori. Il met en scène des Miracles de saint Fiacre, patron des jardiniers dont le culte avait été importé de France. L'iconographie est aussi rare que frappante : l'humble homme d’Église, dans la sérénité du salut sous le regard de la Vierge à l'Enfant et du petit saint Jean-Baptiste, s'avance au milieu d'anonymes attentifs et curieux. Une jeune femme à la superbe chevelure détachée fixe le spectateur comme pour l'inviter à méditer sur la beauté de l’œuvre et sa portée spirituelle. Délectation et persuasion s'allient désormais dans l’œuvre d'art sacrée, qui se nourrit à Florence d'un naturalisme volontiers venu ailleurs d'Italie voire des Flandres. Les voies empruntées annoncent quelques unes des tendances les plus fascinantes du XVIIe siècle. Dans une sorte d'archaïsme épuré, Jacopo da Empoli signe pour Santi Trinità une Annonciation qui vise à l'essentiel, réduisant les expressions et les matières à leur seule présence signifiante, d'une autorité digne des pionniers de la Renaissance. Marqué par plusieurs séjours romains, Cigoli enrichit son langage d'accents clairement vénitiens ; son Martyr des saints Jacques et Josias, destiné à une église lombarde, médite sur la couleur puissante de Titien comme peu d'autres artistes en ces années 1600. Remontant à 1593, La Vision de saint Thomas d'Aquin peinte par Santi di Tito pour une chapelle de San Marco a souvent été citée comme un exemple précoce d'expression baroque dans l'art florentin, tant sont abolies les frontières entre matériel et spirituel, l'apparition se substituant à la réalité. Ce moment court mais intense de civilisation ne saurait se résumer à quelques œuvres certes emblématiques : il mériterait à lui seul son exposition.


Lodovico Cardi dit Cigoli (1559-1613), Martyr des saints Jacques et Josias, 1605, huile sur toile, 302x208 cm, Pegognaga, San Giacomo Maggiore

Si l'exposition rencontre son public (et c'est tant mieux !), ce Cinquecento a Firenze doit-il pour autant être considéré comme un succès scientifique ? les nombreuses restaurations qu'il a suscitées et la présentation d’œuvres moins connues lui donnent certes un intérêt, mais ne correspondant pas exactement aux ambitions affichées. La manifestation du Palazzo Strozzi, si l'on en croit son titre, prétend montrer la création artistique à Florence au XVIe siècle, entreprise pour le moins louable mais périlleuse. L'on pourra regretter que les vingt premières années de ce siècle soient aussi rapidement évoquées en à peine une salle, éludant toute une série d'artistes de talent : Fra Bartolomeo, Bacchiacca, Albertinelli, Granacci, Franciabigio, etc..., et bien sûr Raphaël et Léonard. Le sous-titre de l'exposition, "maniera moderna" e Controriforma, peut toutefois justifier ce parti pris en insistant sur le caractère moteur de la culture maniériste et de la question religieuse dans l'évolution formelle à partir des années 1520. D'où une certaine insistance sur les dernières décennies du siècle, autrement appelées second Cinquecento, le choix des commissaires démontrant bien l'évolution riche et complexe d'une époque ni transitoire ni décadente. Hélas, de graves carences atténuent la force de la démonstration. Car si l'on ne peut prétendre à l'exhaustivité dans le cadre d'une exposition, certaines absences s'avèrent toutefois fâcheuses. Pas un mot et encore moins d’œuvres sur le fameux Opificio delle pietre dure créé par Ferdinand Ier de Médicis en 1588, pourtant l'une des manufactures de marqueteries de pierres dures parmi les plus renommées en Europe en son temps. Ce n'est pourtant pas le pire dans ce panorama partial. Le Palazzo Strozzi a beau présenter peinture, sculpture monumentale et statuaire d'amateur, un art manque totalement à l'appel : le dessin. Oui, une exposition consacré à l'art florentin de la Renaissance sans une seule feuille ! Tout simplement incompréhensible voir inexcusable. Un pan tout entier de la production manque pour comprendre le rôle fondamental du disegno dans la culture visuelle toscane...d'aucuns rétorqueront que le temps n'est plus aux expositions denses à la façon d'Il Seicento fiorentino Arte a Firenze  da Ferdinando I a Cosimo III qui s'était justement tenue au Palazzo Strozzi en 1986-1987. Peut-être, mais cela justifie-t-il une vision tronquée d'un des plus beaux chapitres de l'art italien ? Malgré ces réserves, la visite s'avère indispensable pour tout amoureux du Cinquecento.

Il Cinquecento a Firenze "maniera moderna" e Controriforma, du 21 septembre 2017 au 21 janvier 2018, Florence, Palazzo Strozzi, Piazza degli Strozzi, 50123 Firenze. Ouvert tous les jours de 10H00 à 20H00, le jeudi de 10H00 à 23H00. Entrée : tarif plein : 12 € ; tarif réduit : 9,5 €. Catalogue collectif, sous la direction de Carlo Falciani et Antonio Natali (Mandragora, 2017, 360 pages, 50 € (39,90 dans l'exposition)).

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